Sweet Country

Warwick Thornton, 2017, Australie, DCP, version originale anglaise et arrernte sous-titrée allemand et français, 112', 16/16 ans

Archives 2018

Description

Homme à tout faire auprès de Fred Smith, un pasteur bienveillant et ouvert (Sam Neil), Sam Kelly (Hamilton Morris) abat, en état de légitime défense, un fermier blanc, ancien militaire alcoolique et cruel qui l’avait «emprunté» pour l’aider sur ses terres. Fuyant avec son épouse Lizzie dans le bush, l’Aborigène est poursuivi par le sergent Fletcher (Bryan Brown), bien décidé à venger cet affront ! Car dans l’Australie de la fin des années 1920, lorsqu’un «noir» tue un blanc, justice est vite rendue…

Caméra d’or à Cannes en 2009 pour «Samson et Delilah«, Warwick Thornton continue dans «Sweet Country» son exploration de l’identité des peuples autochtones d’Australie. Son récit tragique, le cinéaste d’origine aborigène l’inscrit dans une petite ville de l’Outback, en plein centre du pays, avec son saloon et son poste de police. Tandis que dans les terres avoisinantes, les fermiers considèrent les Aborigènes comme une main-d’oeuvre gratuite et corvéable à merci.

Auscultant avec minutie les liens complexes unissant blancs, Aborigènes mais aussi les «bâtards«, Warwick Thornton interroge sans concession le passé de l’Australie, nation qui, comme les Etats-Unis, trouve son origine dans la violence et la négation de l’identité de ses habitants originels…

En optant pour le genre, un western poussiéreux avec ses figures habituelles - le cow-boy, le shérif, le fugitif… -, Thornton évite l’écueil du film politique ou du film à thèse. Car le cinéaste australien reste toujours du côté du cinéma, avec des paysages grandioses, une mise en scène lyrique, un récit tenu et surtout de vrais personnages, rattrapés par le destin d’un pays où le racisme fut longtemps endémique.

Pour son deuxième film seulement, l’acteur Hamilton Morris est absolument épatant. Mutique, toujours dans l’action, il porte sur son visage toute la douleur d’un peuple qui n’a obtenu le droit de vote… qu’en 1965 ! Face à lui, Thornton peut compter sur de vraies gueules burinées, celle de Sam Neil mais aussi de Bryan Brown ou Thomas M. Wright. Tous confèrent une vraie chair, une vraie consistance à un western âpre mais important dans l’histoire du cinéma australien, très justement récompensé d’un prix spécial du jury à la dernière Mostra de Venise. – Hubert Heyrendt, La Libre