Notes du réalisateur Antoine Cattin
Le grand réalisateur russe Alexeï Guerman, a passé quelques années sur le tournage de son dernier film « Il est difficile d’être Dieu ». Réalisé avec des moyens inégalés même à Hollywood, le film raconte l’histoire d’un voyageur dans l’espace-temps, tourmenté par l’idée qu’il ne peut changer le cours des choses pour une vie meilleure sur la planète qu’il visite.
De fait, l’histoire du film de Guerman trouve écho dans sa vie, dans sa pensée, dans sa manière de travailler et dans son rapport aux gens : c’est là le sujet de mon film. Il révèle notamment l’un des paradoxes de la Russie les plus profondément ancrés : celui d’un peuple apparemment dominé par la peur de liberté.
En considérant les rapports de maître à esclaves entre Guerman et son entourage, mon film mets en lumière un constat qui dépasse le seul univers de cet artiste : il s’agit du caractère spécifique de la mentalité russe, où les gens se considèrent à la fois maître et esclave. Comme les yeux sont le miroir de l’âme - le cinéma de Guerman est un miroir de la Russie.
J’ai la chance d’avoir eu un accès total au cinéaste et à son tournage. C’est un privilège rare qu’il n’a donné à aucun autre réalisateur, pas même en Russie. Il a laissé ainsi à ma caméra tout le loisir de l’observer au travail et entre deux scènes, de converser avec lui. J’ai aussi eu l’autorisation de me servir des images du contrôle vidéo filmées à travers sa caméra.
C’est un film sur la Russie contemporaine vue au travers des plus anciens studios de cinéma soviétiques – Lenfilm ; sur ce présent russe, qui à nouveau se tourne vers son passé soviétique. Et Dieu qui ne sait que faire de cette situation. C’est un film sur la « Russie éternelle » telle que je la perçois et la vis au quotidien depuis presque 12 ans.