Grave

Julia Ducournau, 2016, France/Belgique, HD, version originale française, 99', 18/18 ans

Archives 2017

Description

Dans la famille de Justine tout le monde est vétérinaire et végétarien. À 16 ans, elle est une adolescente surdouée sur le point d’intégrer l’école véto où sa sœur ainée est également élève. Mais, à peine installés, le bizutage commence pour les premières années. On force Justine à manger de la viande crue. C’est la première fois de sa vie. Les conséquences ne se font pas attendre. Justine découvre sa vraie nature.

Avec une architecture déroutante, dans ses décors déliquescents, une psychologie oppressante, dans son approche fébrile de la jeunesse... Julia Ducournau dissèque le passage à l’âge adulte, de façon troublante, s’insinuant dans les frustrations de l’outsider en pleine mutation dans un environnement où dominateurs et dominés basculent dans la folie et pervertissent les règles sociales dans une symbolique glaçante. Authentique mélange des genres cinématographiques, et relecture de classiques undergrounds, involontaire ou consciente, peu importe, «Grave» digère ses lectures de chevet et régurgite du neuf. La jeune ingénue, première de la classe, fraîchement débarquée dans un campus où le diktat violent du bizutage fait régner le chaos, s’est affranchie des adultes, qui sont totalement effacés dans ce macrocosme estudiantin. La sexualité refoulée des étudiants de première année, enfin libérés, donne lieu à l’impression d’une orgie macabre permanente, sous des litres d’alcools et de pilules chimiques, et les accoutrements avilissants des bizuts dominés par leurs pairs hilares. On y retrouve ainsi l’anarchie débridée de «Frissons» de Cronenberg, maître des mutations du corps et grand inspirateur de Marina de Van dans le cutané «Dans ma peau». L’héroïne subit les souffrances et remontrances d’un corps qui cherche à s’épanouir. Les plaques et démangeaisons font de la jeune femme un monstre qui panse ses plaies avec des bandages de pacotille quand, peu à peu, la végétarienne qu’elle est cède à l’appel de la viande, cette vilaine chair masculine qui est à croquer, au sens propre. Aussi, c’est bien dans l’approche cannibale de «Trouble Every Day» que s’inscrit la réalisatrice Julia Ducournau. L’initiation charnelle est troublante de voracité. Le sexe devient cet intarissable désir de ronger l’autre, de façon primale, renvoyant l’homme à ses instincts primaires dans un environnement médical où l’on apprend à soigner l’animal. «Grave» gravite déjà parmi les fleurons du cinéma d’épouvante francophone, réussissant à faire de thèmes banals (la frustration, l’initiation à l’âge adulte...), les amuse-gueules d’une approche personnelle qui transcende les clichés. Un peu à l’image de «The Fits» qui évoque aussi les convulsions cannibales des jeunes filles de façon tout aussi originale. Le gore en moins. – Frédéric Mignard, À Voir à lire