Une histoire à soi

 Amandine Gay, 2021, France, DCP, version originale française, 100', 10/14 ans

Archives 2022

Description

Le film commence par des images d’archives en noir et blanc, vieilles de plusieurs décennies, issues de la Fondation d’Heucqueville, vantant auprès des candidats à l’adoption les vertus d’une telle démarche, tout en omettant soigneusement la moindre allusion aux femmes qui ont donné naissance à ces enfants adoptables. En enchaînant immédiatement avec la lecture de la lettre de Joohe à sa mère biologique, Amandine Gay, elle-même adoptée, souhaite réparer la cassure entre celles qui ont pris la souvent douloureuse décision de renoncer à leurs droits parentaux et celles qui ont pu combler leur désir d’enfant, grâce à cette démission affective.

Amandine Gay, réalisatrice féministe à qui l’on doit «Ouvrir la voix» consacrée aux femmes noires issues de la colonisation européenne en Afrique et aux Antilles, recueille, sans jamais intervenir, le témoignage de cinq personnes (parmi les 93 auditionnées) abandonnées à la naissance par leurs parents, déracinées et imprégnées de culture française. Leurs visages nous resteront inconnus. Comme tous les enfants du monde s’amusant à revenir sur leur passé, leurs voix commentent les photos de leur jeune âge, souvenirs d’enfance de repas familiaux, de jeux avec les copains, autant d’éléments significatifs d’une intégration parfaite, oubliant momentanément que même si les familles adoptantes sont, dans tous les cas, aimantes, plane sur leur histoire un mystère indicible qu’il leur faudra percer pour vivre en toute sérénité.

Au gré d’une narration fluide et sans tabou, tels des morceaux de puzzle éparpillés, les chapitres de la vie de chacun s’imbriquent, entre espoir et désillusion, pour tenter de tisser la trame du fil originel: l’éventualité d’une rencontre avec son père pour l’une, le retour au pays qui creuse inévitablement l’écart identitaire pour d’autres, le rapprochement inespéré de la famille biologique avec la famille adoptante pour un troisième. En toutes circonstances, s’affirme le besoin irrépressible d’obtenir des réponses aux interrogations non résolues de l’enfance, mettre des mots sur les sous-entendus et balayer les réticences d’une administration souvent peu prompte à renseigner les égarés de naissance.

Cheminant entre souffrance et dérision, le documentaire trouve son rythme. Les récits, tantôt colorés, tantôt nostalgiques, forment une fresque. Tous s’enchaînent et se complètent pour donner de l’adoption une vision contrastée qui ne laissera personne indifférent.

Militante engagée, Amandine Gay amorce un virage politique et bouscule l’ordre établi qui, depuis toujours, présente l’adoption comme un acte charitable au seul bénéfice de l’enfant. Elle souligne sans acrimonie, mais avec une vraie force de conviction, que le temps est sans doute venu de mesurer équitablement la part de bonheur apporté par l’enfant adopté aux familles en quête de parentalité. – Claudine Levanneur, aVoir-aLire.com

Images © les films du losange