This is not a Burial, it's a Resurrection

Lemohang Jeremiah Mosese, 2019, Lesotho/Afrique du Sud/Italie/Étas-Unis, DCP, version originale sesotho sous-titrée français et allemand, 120', 16/16 ans

Archives 2021

Description

Mantoa est une femme âgée. Elle a subi toutes les épreuves qu’une vie peut réserver, à savoir la perte de son époux et de son fils. Toute son existence est occupée par la perpétuation d’une tradition, sur les terres infimes du Lesotho, qui met le respect des morts au-dessus de tous les principes. Quand le député apprend aux villageois qu’un barrage devra être construit et que les dépouilles devront être sorties de leurs tombes, pour être transportées dans une autre ville, Mantoa endosse la figure, autant politique que spirituelle, de la gardienne de la tradition.

«This is not a Burial, it's a Resurrection» est un film merveilleux. Merveilleux dans la mesure où il convoque le conte, la littérature, avec ce soin apporté à des écrits d’une exceptionnelle poésie, la musique et bien évidemment, la photographie, avec cet art de fixer les paysages et les couleurs. Le début du long métrage amène le spectateur dans une sorte de lieu de passage, où les gens viennent boire et écouter des musiciens. Un conteur se trouve là. Il alterne la lecture d’un texte avec un instrument de musique à vent. Tout de suite, le réalisateur autodidacte, Lemohang Jeremiah Mosese, pose le contexte artistique de son projet cinématographique, avec une absolue nécessité de provoquer l’admiration du spectateur. Le choix des chants, des couleurs, le jeu sur le floutage, la façon de cadrer les champs de vision annoncent un film pensé comme une pièce de musée, où il faut prendre le temps de la découverte et de la réflexion. L’œuvre invite le spectateur à la patience. Ce dernier doit accepter de se laisser perdre par des temporalités différentes, des références culturelles très éloignées des siennes, un rapport à l’esthétique particulier. En fait, le long métrage constitue une sorte d’invitation spirituelle et sensible au lâcher-prise.

Cette histoire est d’abord portée par une comédienne dont la prestation est à couper le souffle. Mary Twala Mlongo donne chair à son personnage de vieille dame avec une rare intensité. Elle semble elle-même emportée à titre personnel dans ce récit spirituel où elle engage toute sa force, toute sa douleur, au service d’un récit qui se fait l’écho de la rupture entre la modernité et la tradition. En cela, elle devient presque un emblème de ce pays d’Afrique australe, le Lesotho, dont les médias parlent peu, voire pas du tout. On perçoit les enjeux pour les communautés rurales, qui doivent faire face aux ambitions du pouvoir monarchique, dont le but est de moderniser la nation, tout en conservant l’attachement aux terres, aux souvenirs. Le cinéaste lui-même a subi ce dépaysement, le mettant dans la situation d’un être quasi nomade et sans continuité. La comédienne endosse un rôle de sage, de femme politique, mais aussi et surtout d’artiste dont la voix et le chant témoignent de son insatiable désir de faire perdurer le souvenir des ancêtres. Elle donne vie à une forme de dépression ou de mélancolie qui s’intègrent dans la complexité culturelle de son village et de son pays.

Pour autant, «This is not a Burial, it's a Resurrection» est un film à portée universelle. Il parle de notre difficulté humaine à changer, à renoncer aux croyances et aux valeurs que l’éducation nous donne, et à s’adapter à un univers en mouvements perpétuels. Le long métrage rend hommage à tous les anciens qui continuent de témoigner sur l’histoire. Voilà une œuvre cinématographique totalement iconoclaste, qui offrira à celles et ceux qui sont en recherche d’un monde plus juste un support spirituel et artistique à leur cheminement personnel. – Laurent Cambon, À voir, à lire

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