Le retour des hirondelles

Ruijun Li, 2022, Chine, DCP, version originale chinoise sous-titrée français et allemand, 133', 16/16 ans

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Description

Le premier plan de «Le Retour des hirondelles» montre un âne à travers l’ouverture d’un mur – comme un clin d’œil au long métrage avec lequel on a pu découvrir le Chinois Li Ruijun, «The Old Donkey», qui fut montré en France au Festival Deauville Asia il y a une dizaine d’années. C’était un drame rural âpre dont les protagonistes étaient régulièrement perdus dans des paysages géants – un traitement qu’on peut parfois retrouver lorsque le couple de «Le Retour des hirondelles» est filmé sur une immense dune, comme avalé par une mer de sable, comme une anomalie dans l’immensité du monde. Mais la caméra est en général plus proche dans ce nouveau film, attentive à ceux qui ailleurs ne reçoivent aucune attention.

«Le Retour des hirondelles» raconte un mariage arrangé alors que la dernière chance des époux semble déjà passée. Ce pourrait être une damnation, mais les chemins empruntés par Li peuvent surprendre. Le cinéaste dépeint d’abord une absence totale de considération pour la dignité humaine, avec cette héroïne traitée par des proches comme un poids dont on se débarrasse. Lorsque Guiying (remarquablement interprétée par Hai Qing, dans une sorte de stupeur ralentie) affirme que l’âne a eu une meilleure vie qu’elle, on a tendance à la croire. Ce pourrait être du poverty porn irrespirable mais Li met peu à peu en scène une forme de tendresse sans mièvrerie, une solidarité dans le couple qui s’exprime loin des autres – loin des règles de société ou du jugement familial. Il y a ici une beauté mais qui n’est pas une vitrine, cette beauté est à sa place car elle n’est pas une erreur de point de vue.

Mais «Le Retour des hirondelles» n’est pas un conte et s’il laisse entrevoir la possibilité d’une vie si ce n’est meilleure, au moins humaine, le réalisateur ne perd pas de vue la dureté du quotidien. Le film traite d’une urbanisation et d’une exploitation qui n’ont strictement rien à faire de l’individu. Il y a en fin de film un passage d’une cruauté ahurissante dont la brutalité s’exprime par la sécheresse du montage – on a peut-être rarement vu un moment aussi violent au cinéma ces dernières années. La violence est pourtant hors champ, mais elle envahit l’écran comme une pelleteuse qui emporte tout: maison, humains ou nid d’oiseau. Sur la longueur, le film manque parfois de variations et a un côté bloc. Mais c’est aussi la puissance de ce récit impitoyable, où le cinéaste semble davantage guidé par l’honnêteté que le mélodrame. – Nicolas Bardot, Le Polyester

Images © trigon-film