Utama

Alejandro Loayza Grisi, 2021, Bolivie, DCP, version originale quechua et espagnole sous-titrée français et allemand, 87', 16/16 ans

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Description

«Si tu savais lire les signes, tu saurais déjà. – Quels signes? Tout indique surtout qu’il est temps de quitter cet endroit.» Que deux générations, incarnés par un grand-père et son petit-fils soient en désaccord n’a rien de franchement surprenant, mais quand il est question de vie et de mort, de croyances ancestrales et qu’une tierce personne est impliquée, la controverse est beaucoup plus délicate à résoudre. Tel est le sujet dont s’est emparé avec beaucoup d’humilité, de simplicité, de précision et de maîtrise le cinéaste bolivien Alejandro Loayza Grisi avec son premier long métrage «Utama», découvert au Festival de Sundance, dans la compétition World Cinema Dramatic.

Pour les Indiens Quechuas, l’homme et la nature ne font qu’un. Mais sur l’altiplano bolivien, dans l’immensité désertique encadrée au loin par les montagnes andines, l’austérité est d’une rare intensité. Là, au milieu de nulle part, vivent Virginio (José Calcina) et sa femme Sisa (Luisa Quispe). À 80 ans, le premier continue à emmener chaque jour paitre leur troupeau de lamas alors que son épouse est chargée de leur très modeste maison et de ramener des seaux d’eau du village. Une existence routinière et avare de mots que vont bouleverser trois événements. D’une part, il n’a pas plu depuis un an et les habitants de la région désespèrent et s’exilent. D’autre part, Virginio respire de plus en plus mal, en cachette de Sisa. Enfin, débarque, en visite de la ville, leur petit-fils Clever (Santos Choque), portable en main et écouteurs sur la tête.

Ciel bleu implacable, terre desséchée, visages burinés comme sculptés par le temps, répartition ultra traditionnelle des rôles masculins et féminins, croyances mystiques et cérémonie de sacrifice afin que l’eau revienne: pour un jeune citadin, l’obstination et l’introversion extrêmes de Virginio, son refus acharné de la modernité et son acceptation secrète (au-delà du déni) de sa mort à venir, ne sont qu’égoïsme et raideur. Mais tout en s’opposant et en tentant de fléchir son grand-père, Clever va aussi accompagner un processus infiniment humain où la profondeur des sentiments est porteuse de valeurs intemporelles...

Venu de la photographie, Alejandro Loayza Grisi démontre une très solide maîtrise du pouvoir expressif de l’image dont il a confié les rênes de son film à la talentueuse argentine Barbara Alvarez («La Fièvre», «Jesús – Petit criminel», «La femme sans tête»). Un savoir-faire qui lui permet d’œuvrer dans une subtile économie de perceptions favorisant l’émergence de portraits pudiques et sobrement émouvants qui, à l’image du condor de la cosmologie andine (le lien entre la Terre et le Ciel) sont le reflet du pont entre le quotidien de l’existence et les aspirations de l’âme. – Fabien Lemercier, Cineuropa

Images © trigon-film