Alam

Firas Khoury, 2022, Palestine/France/Tunisie/Arabie saoudite/Qatar, DCP, version originale arabe sous-titrée français, 104', 16/16 ans Séance spéciale proposée par Travelling Palestine | Réservation

Prix plein: 15.- | Prix réduit: 10.- (à choix)

Archives 2023

Description

Dans son court-métrage «Maradona’s Legs» (2019), qui avait été extrêmement bien reçu, le réalisateur palestinien Firas Khoury mêlait à l'usage des conventions du récit d’apprentissage une exploration politique pointue. Son premier long-métrage, «Alam», qui a fait sa première mondiale dans la section Contemporary World Cinema de Toronto, s'articule autour de thèmes similaires. Cependant, cette fois, Khoury déplace son attention de l’enfance vers des personnages en fin d'adolescence pour créer un monde crépitant de l'énergie inhérente et à l’insouciance de la rébellion et l’hédonisme adolescents, et aux prémices de l’activisme politique.

Tamer (Mahmoud Bakri) et ses amis sont des Palestiniens vivant en Israël, c'est-à-dire qu'ils appartiennent à la nouvelle génération des enfants arabes de familles pour lesquelles les conséquences de l'exode de 1948 restent un combat de tous les jours. Tamer a 17 ans. Lui et sa bande de copains sont des lycéens rebelles typiques, qui passent leurs journées à fumer, à avoir des ennuis à l’école et à coucher avec des filles, mais s'ils représentent le traditionnel cocktail grisant d’hormones, de naïveté et d'excès de confiance en soi qui caractérise n’importe quel adolescent ou presque sur cette planète, le contexte politique complexe auquel ils font face, de même que les générations d'au-dessus, est toujours visible. Du drapeau israélien (souvent vandalisé) qui flotte tous les jours au-dessus de leur école, comme pour les narguer, au Jour de l’Indépendance israélienne qui approche (et coïncide avec Al-Nakba, la commémoration de l'exode palestinien), ils sont constamment confrontés à leur statut au sein d'Israël.

Alors que certains de ses amis commencent à s'engager politiquement, et que d’autres continuent à rechercher avant tout de l’herbe et des filles, Tamer remarque la belle Maysaa’ (Sereen Khass), nouvelle dans sa classe. Utilisant l'engagement politique de cette dernière pour se rapprocher d'elle, Tamer se met à remarquer davantage le monde qui l’entoure et, tandis que le Jour de Nakba approche, il doit décider s'il y a des choses plus importantes que lui qui méritent qu'on se batte pour elles.

Le sentiment d’urgence est constant tout au long du film, porté par le double moteur de l’ardeur de la jeunesse et du sentiment d’outrage face à un système oppresseur. Souvent, ces deux dynamiques sont présentées comme en opposition l’une avec l’autre, et beaucoup de nos personnages préfèrent la première à la seconde, mais à mesure que Tamer fait son éveil politique, on perçoit que les deux choses ne sont pas nécessairement incompatibles. Ce film n'a rien d'un laïus contre la nouvelle génération: quand un élève peste contre un cours d’histoire, et contre le schéma de l’oubli forcé, c'est un rappel du fait que cette génération n’est pas aussi apathique que ce que les gens au pouvoir voudraient nous faire croire. Bien que le père de Tamer soit très clairement autoritaire, le film ne cesse de suggérer qu'il a lui-même un passé d'activiste. La vraie tragédie, dans ce film, ce n’est pas l'apathie: c’est ceux dont la passion et le zèle ont pu être matés à force d’oppression et de violence.

Il serait facile d’accuser le film de se complaire dans les clichés, devant le bataillon de figures obligées du récit d’apprentissage qui s'y déploient, mais il est fort possible que beaucoup des clichés présents ici soient délibérés, car le film évolue tout du long entre évidence et subtilité. La notion de propagande est très présente: il y a, dans l’appartement de Tamer, une photo encadrée de «Cuirassé Potemkine» (qui est peut-être le premier film de propagande jamais réalisé), et un propos central du film est la réflexion sur les drapeaux comme symboles. La propagande peut souvent manquer de subtilité et aligner les évidences, et Khoury joue intelligemment de cette matière. – Laurence Boyce, Cineuropa

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