Combien de premiers longs métrages peuvent se targuer en quelques plans de faire preuve d’une telle personnalité, d’une singularité de regard, de ton, et de trouver un vrai point de vue? C’est ce qui saute très vite aux yeux dans «Clara Sola», réalisé par la Suédoise d’origine costaricienne Nathalie Álvarez Mesén. «Clara Sola» raconte l’histoire d’une femme de quarante ans, maintenue dans une forme d’obscurantisme; le film, plus précisément, raconte une quête d’émancipation, un moyen de se soustraire à l’oppression de la religion et des hommes. La cinéaste, à cet égard, commente: «les rôles que nous devons jouer en tant que femmes, c’est quelque chose qui m’intéresse – que ce passe-t-il quand nous cessons d’endosser ces rôles?».
Que se passe-t-il lorsque l’héroïne prend une telle décision dans «Clara Sola»? Beaucoup de choses, même lorsque celles-ci sont invisibles. Le film parvient à ouvrir des portes vers la magie rien que par la mise en image. Le réalisme magique rayonne sur «Clara Sola» – le réel est mis en scène avec aspérité, mais celui-ci est traversé par des figures de conte, des visions hallucinées de cheval blanc dans une jungle merveilleuse où volent des lucioles. Cette nature est luxuriante mais elle n’est qu’un aperçu du riche monde intérieur de son héroïne.
Nathalie Álvarez Mesén privilégie la rétention d’information, installant ainsi un halo de mystère, une tension étrange. La physicalité de Wendy Chinchilla, danseuse de formation, apporte aussi beaucoup à Clara qui est dans son monde, parle aux animaux et sent les tremblements de terre. L’action réduite valorise le récit atmosphérique, l’approche sensorielle – le film est d’ailleurs meilleur lorsqu’il est moins immédiatement narratif, lorsqu’il explique moins: la cinéaste est suffisamment habile formellement pour ne pas avoir besoin de trop en dire.
S’il est dans la retenue, «Clara Sola» est pourtant, aussi, un film généreux. Par sa séduisante beauté d’abord, par ses clins d’œil à un cinéma de genre juteux (dont «Carrie» semble le cousin le plus évident), par ses excitants paradoxes. C’est un film intérieur et expressif, qui parle de réel et de miracle, où le spectaculaire est minimaliste, où le minimalisme est spectaculaire – voilà une flamboyante révélation qui résiste aux cases, qui nous cueille et nous fascine. – Nicolas Bardot, Le Polyester
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