Comment extraire la beauté de ce qui est laid? Comment capturer tendresse et espoir dans la misère la plus absolue, même dans le moment le plus sombre? C'est autour de ces questions que semble s'articuler «La hija de todas las rabias», le premier film de la Nicaraguayenne Laura Baumeister. De tous les lieux sublimes qu'offre le Nicaragua, un pays où n'a pratiquement été tourné aucun film à ce jour, la réalisatrice a élu la décharge de La Chureca, la plus grande du pays, une zone évidemment affreuse où s'est formé une communauté de personnes autour des déchets de Managua. La moitié de cette communauté est constituée d'enfants mineurs.
C'est sur un(e) de ces enfants, Maria (la merveilleuse Ara Alejandra Medal), que le film de Baumeister, dévoilé dans la section Discovery de Toronto, pose son regard. Sur elle et sur sa relation avec sa mère Lilibeth (une Virginia Sevilla García très déterminée), car le lien indéfectible qui les unit malgré tout est le moteur du film du début à la fin. Toutes deux survivent comme elles peuvent, et puis un de leurs recours pour gagner leur vie (la vente des chiots de leur chienne) se passe mal à cause de Maria, ce lien s'étire tant qu'il menace de se rompre. Lilibeth amène Maria à une usine de recyclage du coin, où un groupe d’enfants travaillent au traitement des ordures, contre la volonté de la petite, qui ne veut quitter sa mère pour rien au monde.
La force que déploie Lilibeth pour transmettre à Maria l'importance de se battre pour survivre est la colonne vertébrale du film. Lilibeth apprend à Maria à se comporter comme un animal sauvage, comme une panthère, en jouant comme deux félins dans le sable qui entoure leur taudis. Les scènes d’intimité et de complicité entre elles deux dégagent beaucoup de sensibilité et de puissance émotionnelle, et c'est quand il frôle le réalisme magique que le film exprime toute sa splendeur.
Ce réalisme magique, de tradition si nettement latino-américaine (présent dans des propositions cinématographiques récentes, comme par exemple «Bestias del sur salvaje» de Benh Zeitlin), imprègne tout le film, qui part d’un contexte de misère pour aller vers encore plus de perte puis enfin de disgrâce, atteignant des moments de véritable beauté, à laquelle contribue la magnifique et exubérante bande originale de Para One, un collaborateur habituel de Céline Sciamma. – David González, Cineuropa
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