Leonid (Oleksandr Yatsentiuk), surnommé Pamfir (soit «pierre», tant l’homme est un colosse qui semble indestructible), est de retour dans le petit village ukrainien situé à la frontière roumaine où vit sa famille. Après un séjour à l’étranger pour y gagner de l’argent, il retrouve ses parents, sa femme Olena (Solomiya Kyrylova) et son fils Nazar (Stanislav Potyak). C’est alors que ce dernier incendie accidentellement l’église du village, obligeant Leonid, pour rembourser ses dettes, à renouer avec un passé trouble.
Avec les célébrations de Malanka, le carnaval d’hiver, en toile de fond et composé de multiples plans-séquences comme autant de chorégraphies hypnotiques, le Pamfir impressionne tout d’abord par sa maitrise de la mise en scène et l’atmosphère qu’il parvient à instaurer tout au long de son récit. Alors qu’il fera tout son possible pour protéger son fils et que les préparatifs des festivités avancent, Leonid se voit obligé de s’embarquer dans une ultime affaire clandestine et de croiser la route d’Oreste, garde-chasse et véritable parrain local.
S’il s’agit de son premier long métrage de fiction, le réalisateur ukrainien n’est pour autant pas en terrain inconnu. Son documentaire et film de fin d’études «Krasna Malanka» se focalisait déjà sur le carnaval (et plus précisément sur ceux qui le font). Deux ans plus tard, son court métrage «Intersection» était lui aussi situé dans la région frontalière entre l’Ukraine et la Roumanie. Une zone où, comme il le dit lui-même, «beaucoup de choses y demeurent hors normes».
Sous ses airs de tragédie grecque boueuse (l’élément terreux est partout), le film raconte tout d’abord une histoire de famille. De la relation touchante avec sa femme et son fils, on découvre au fur et à mesure les liens qu’entretient Leonid avec son frère et son père, le rappelant tous les deux à son passé houleux. Cette fresque familiale ne fait que renforcer le contexte social et politique dans lequel se déroule le long métrage. Faisant indéniablement penser au récent «R.M.N.» de Cristian Mungiu, «Pamfir» scanne cette étrange région au bord de l’Europe en évoquant l’immigration, la contrebande, mais aussi les traditions. Et pour cela, le réalisateur ukrainien n’hésite pas à mélanger les genres. Du film noir au drame, il s’empare également volontiers des codes du fantastique (certaines scènes de carnaval irréelles), voire de l’action (une séquence de bagarre n’a rien à envier aux superproductions actuelles), tout en passant inévitablement par le film de mafia à tendance western. Il ne reste qu’à emballer cet univers foisonnant dans une cohérence graphique et scénaristique enivrante afin d’obtenir l’un des très beaux (et puissants) longs métrages de ce début d’année. – Marvin Ancian, Ciné-Feuilles
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