Reflection

Valentyn Vasyanovych, 2021, Ukraine, DCP, version originale ukrainienne sous-titrée français, 126', 16/16 ans

Archives 2022

Description

Dans «Reflection», il y a une scène où des personnages font une partie de paintball. Mourir est alors juste un loisir qui ne laisse que quelques traces multicolores sur le corps, et les cris traduisent avant tout l’excitation. Mais non loin de ce petit jeu de massacre se joue un massacre réel – la guerre que Valentyn Vasyanovych racontait déjà dans son impressionnant «Atlantis»: le conflit entre Ukraine et Russie.

On reconnaît le style du cinéaste ukrainien, avec son goût pour des tableaux fixes. Le dispositif voyant pourrait cadenasser le film, le rendre programmatique, le priver de trouble. Mais Vasyanovych sait s’en servir pour raconter une histoire. La remarquable composition des plans, le travail sur la profondeur de champ, l’utilisation de la lumière: autant de richesse expressive qui évite au film d’être en mode automatique. Il y a beaucoup de talent dans chaque plan, deux heures durant: peut-on dire cela de tous les films?

Cette mise en scène intransigeante participe à l’écriture de «Reflection». Le cinéaste raconte la guerre, mais le peut-il vraiment? Il y a une multitude d’écrans dans «Reflection»: la vitre qui nous sépare du paintball, la vitre d’un bloc opératoire, une baie vitrée sur la ville, un pare-brise rayé. On peut certes voir au travers mais à distance, comme si nous ne pouvions de toute façon pas comprendre l’horreur représentée.

Cette succession d’écrans souligne naturellement la solitude dans laquelle se retrouve le protagoniste. Celui-ci se retrouve confronté à ses propres fantômes, et au traumatisme de la violence. «Reflection» s’intéresse à la vie d’après, mais celle-ci a quelque chose de spectral, désincarné. S’il y a une rigidité dans la mise en scène de Vasyanovych, si le climat est froid, la densité de l’atmosphère ainsi que le ton général du film à la fois mélancolique et désabusé en font une expérience qui va au-delà du (brillant) exercice de style et le rendent plus humain. – Nicolas Bardot, Le Polyester

Images © New Europe Film Sales