Un héros

Asghar Farhadi, 2021, Iran/France, DCP, version originale persane sous-titrée français, 127', 14/14 ans

Archives 2022

Description

La sortie en salle d’un film d’Asghar Farhadi n’est jamais anodine. Cinéaste iranien à la dimension internationale, doublement oscarisé pour «Une séparation» en 2012 et «Le Client» en 2017, champion régulier des prix les plus prestigieux à la Berlinale ou à Cannes, il cumule depuis vingt ans succès critique et public. Considéré comme une  rockstar en son pays, caractérisé ainsi par son fidèle producteur Alexandre Mallet-Guy, le réalisateur à remporté le Grand Prix au Festival de Cannes pour son nouvel opus, «Un héros», choisi par le comité iranien à la course aux Oscars en mars 2022.

Après l’escapade espagnole d’«Everybody Knows» avec Penélope Cruz et Javier Bardem, «Un héros» résonne comme un retour aux sources pour le cinéaste. Farhadi a tourné cette nouvelle histoire à Shiraz, berceau de la culture persane, un thriller social plein des thématiques récurrentes qui l’obsèdent: l’examen de la cellule et de la solidarité familiale, l’honnêteté morale des individus, l’influence du regard des autres et le rapport à l’image, l’enfance vécue comme premier témoin de la cruauté de la société. Son héros ici, c’est Rahim (superbe Amir Jadidi) sortant de prison pour deux jours de permission. Avec ce sourire triste qu’il porte en permanence, le jeune homme évoque instantanément l’innocence, proche de la naïveté. Pressé par le temps, Rahim espère rembourser son créancier afin qu’il le libère de sa plainte. Son trajet est parasité par un sac d’or trouvé en pleine rue par une amie. Rahim hésite, mais décide de rapporter cette fortune aux autorités, sa probité lui valant de devenir du jour au lendemain, la gloire des réseaux sociaux. Portée aux nues, sa réputation attise vite les doutes et des réactions contrastées. Cherchant maladroitement à se justifier, Rahim devient dès lors l’enjeu d’une descente aux enfers incontrôlable.

Dans ce conte magnifique et très humaniste, qui narre l’influence croissante des outils modernes de communication dans nos vies, Farahdi, inspiré par des faits divers lus dans la presse, provoque une vive émotion chez le spectateur via ce portrait d’un homme simple, injustement accusé et mis au pilori. Dépassé par les événements, Rahim est pris en étau entre sa réputation malmenée et sa pudeur à avouer des vérités à demi-mot. Jouet d’une haletante intrigue au cordeau, Rahim en «faux coupable», fait référence au héros hitchockien, dont Farhadi use de la force grâce à la complexité et aux sous-entendus des personnages. Il associe à cette exploration de la psyché humaine une observation minutieuse de la société iranienne, les dérèglements d’une famille chahutée par la notoriété notamment, mais aussi ceux de la police et de l’administration, des journalistes et du public harnachés à leurs smartphones. La mise en scène recherche le naturel du jeu des comédiens et l’authenticité des situations pour nous plonger dans le chaos du quotidien. Un héros est ainsi particulièrement emblématique d’un mélange très personnel d’une réactualisation du néoréalisme d’après-guerre et de la tension d’une intrigue freudienne millimétrée «à la Hitchcock». Il en ressort sa beauté singulière et bouleversante, ancrée rigoureusement dans la réalité d’aujourd’hui. – Olivier Bombarda, Bande à part

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