Le nom du ciné-club y renvoyant, il se fallait qu’un jour nous adressions la chose en constituant un cycle autour de la nourriture. Matière, au sens propre comme au figuré, de subsistance d’abord, la nourriture est ensuite matière à réflexion (pensez au «Banquet» de Platon), prétexte à la bacchanale dans ses aspects orgiaques ou scatophiles, possibilité d’une élévation spirituelle (e.g. l’hostie), voire objet de décoration tout-à-fait de sa destination buccale. Le cinéma a trouvé dans la nourriture un réceptacle adéquat pour compromettre sa destination a priori seulement optique : la nourriture, c’est avant tout ce que l’on goûte et touche, choses dont est incapable la caméra. Filmer la nourriture sérieusement, c’est dissocier l’image de l’œil qui la reçoit, impliquer le corps entier dans l’expérience. Les œuvres de ce cycle exemplifient chacune différemment une manière de montrer la nourriture au cinéma. «Tampopo» aborde frontalement l’angle cinématographique du problème,«La saveur de la pastèque» l’orgie démesurée, «Mekong Hotel» en explore par le vampirisme l’aspect cultuel, «Belladonna» oscille entre la grâce et la luxure, «The Taste of Tea» enfin nous emmènera au plus loin dans le mystère du rite et de l’esprit.