Lorsque l’on parle de transfiguration, l’imagerie occidentale invoque volontiers celle du Christ. Mais la transfiguration de Jésus préparait une élévation vers un Ailleurs merveilleux, son corps transfiguré signifiait la disparition de celui-ci. Or pour les auteurs que l’on présente, la véritable utopie est son propre corps, qui par ses zones invisibles pour nos yeux – un dos, un visage – génère une terre inconnue propice aux mythes. Notre corps est toujours le lieu d’une transfiguration parce qu’il n’est jamais lui-même pleinement figurable. Les 6 projections de ce cycle répondent au besoin de s’affranchir du fardeau religieux qui fit du corps un tombeau. Le corps cesse d’opposer son image, et révèle sa plasticité, fait désormais corps avec les signes. Découvrir le corps possède évidemment une charge érotique, ouvertement exploitée par Masaaki Yuasa et son «Mind Game», Walerian Borowczyk et Kenneth Anger. Mais il peut tout autant devenir un plaidoyer pour déchoir le Soi de sa sacro-sainte unité et le réinstaller dans sa fragmentation originelle, fût-elle jubilatoire pour le «Macunaima» de Joaquim Pedro de Andrade, inquiétante chez Jan Svankmajer, ou proprement mystique: «Le Miroir» d’Andreï Tarkovski.